le 11 juin 2025

Épisode 1 : Naissance d’un conteneur : journal d’un colosse en devenir

Le premier souffle d’acier

2025, premiers jours d’avril. 

Les premiers rayons du soleil viennent frapper les tôles du hangar B25 situé au centre du complexe industriel de la China International Marine Containers, à quelques encâblures du port chinois de Shenzhen. Ce port, l’un des plus actifs au monde avec ses 28 millions de conteneurs traités chaque année, est le berceau de milliers de conteneurs comme moi. 

Pour tout avouer, l’endroit n’est pas très poétique mais plutôt un lieu immense fait de bruits, de métal et d’étincelles. C’est là que j’ai été fabriqué, pièce par pièce, comme des centaines d’autres chaque jour.

Je suis un conteneur de la catégorie des « 20 pieds », de la famille des « Dry ». À quoi je ressemble ? Un grand caisson en acier, de six mètres de long, fait pour transporter à peu près tout : des jouets, des chaussures, des pièces détachées, parfois même des souvenirs…

Six heures pour voir le jour

On me dit que j’ai vu le jour à 15h, ce 4 avril 2025. 

En fait, tout a commencé à 9h00 avec la pose au sol d’une grande plaque d’acier Corten résistante aux intempéries sur laquelle a été installé mon plancher contreplaqué marin en bois dur… il faut bien qu’il résiste à l’eau de mer !

Puis, on m’a ajouté des murs, des longerons et des poteaux, des coins renforcés, un toit, des portes, le tout en acier Corten.

Les soudeurs ont travaillé vite, mais avec précision. Chaque élément avait sa place, chaque soudure était vérifiée. J’ai vite senti que je prenais forme, que je devenais quelque chose d’utile.

Quand tout a été monté, on m’a peint en vert. Une couleur uniforme, simple et conforme à mon propriétaire : In’Box. Cette peinture n’est pas qu’esthétique : elle me protège de la corrosion marine et des rayons UV qui m’accompagneront tout au long de ma vie.

Pour finir, on m’a baptisé ou plus exactement on m’a attribué un numéro unique : IBGU-2025047. Ce n’est pas très poétique, mais c’est ce qui me permet d’exister dans le système mondial du transport maritime dans lequel je m’apprête à évoluer. Ce code suit la norme ISO 6346 et se décompose ainsi : « IB » pour In’Box, « GU » pour le type de conteneur, « 2025 » pour l’année de fabrication, et « 047 » pour mon numéro de série. Grâce à ce code, on pourra me retrouver n’importe où sur la planète !

Il était 15h00 lorsque je suis enfin sorti de la ligne de production. Au final, il aura fallu près de 2 tonnes d’acier, 14m² de plancher, 10 kg de peinture et de multiples boulons, vis et serrures pour faire de moi ce que je suis aujourd’hui.

Prouver sa résistance

Avant de me laisser partir, on m’a soumis à une batterie de tests, tous aussi désagréables les uns que les autres.

Tout d’abord, on m’a inspecté sous toutes les coutures : dimensions, soudures, vis, boulons… On a vérifié que mes portes fermaient bien, qu’elles étaient alignées et qu’elles étaient fonctionnelles. La moindre imperfection aurait signifié mon retour à l’atelier, voire au recyclage pour les cas les plus graves.

Ensuite, on m’a injecté de la fumée et mis sous un jet d’eau haute pression pour être certain que j’étais bien étanche. Franchement pas le moment le plus agréable… Mais le plus dur était à venir…

On m’a empilé sous huit autres conteneurs pour tester ma résistance à la compression. Puis on m’a cogné, soumis à la chaleur et au froid, chargé au maximum de mes capacités, dans des conditions identiques à ce que j’allais vivre durant toute ma carrière. 

Mais cela, je ne le savais pas encore… Je me demandais pourquoi tant de brutalité, pourquoi tant d’épreuves. C’est plus tard que j’ai compris : chaque test simulait une condition réelle que je rencontrerais en mer, dans les ports, sur les camions ou les trains. 

Tous ces tests n’étaient bien évidemment pas agréables, mais ils étaient nécessaires. J’étais conçu pour être résistant et je l’étais ! Ayant passé toutes ces étapes haut la main, j’étais donc désormais apte pour le service !

La diversité des conteneurs

Une fois les tests passés, on m’a emmené dans une grande zone de stockage. Autour de moi, des centaines de conteneurs neufs attendaient comme moi leur premier voyage.

Pourtant, on ne se ressemblait pas tous, loin de là… Certains étaient plus longs ou plus hauts que moi, d’autres plus petits… Certains avaient des toits souples, d’autres des portes sur le côté, certains faisaient du froid…

En échangeant avec eux (oui, entre conteneurs, on communique !), j’ai appris que nous appartenions à des familles différentes :

Les « Dry » comme moi, conteneurs standards pour marchandises sèches 

Les « High Cube », plus hauts de 30 cm, idéaux pour les marchandises volumineuses

Les « Reefer », équipés de systèmes de réfrigération pour les denrées périssables

Les « Open Top », avec un toit amovible pour charger par le haut

Les « Open Side », avec une paroi latérale ouvrable pour les chargements larges

Et chacun d’entre nous avait sa spécificité mais aussi son propre destin puisque certains allaient partir pour l’Europe alors que d’autres allaient naviguer vers l’Amérique ou l’Afrique.

Moi, j’étais là, prêt. Vide, mais solide. Je ne savais pas encore ce que j’allais transporter, ni où j’allais aller. Serait-ce vers les ports français de Marseille ou du Havre ? Vers l’Allemagne ou peut-être plus loin encore ?

Mais une chose était sûre : mon travail allait bientôt commencer.

Premier départ

Un matin, un camion est arrivé et s’est garé juste devant moi. Le grand jour était arrivé ! Les fourches d’un chariot élévateur m’ont soulevé avec précision, me faisant quitter le sol chinois pour la première fois. Une sensation étrange, comme si je m’envolais malgré mon poids.

Bientôt, j’aperçus l’immensité du port de Shenzhen-Yantian, avec ses grues gigantesques et ses navires porte-conteneurs alignés le long des quais. Des milliers de conteneurs comme moi attendaient d’être chargés.

Je suis un conteneur. Simple, pratique et robuste mais avec un rêve : voyager tout autour de la planète et voir le monde.

Et c’est ce jour-là que mon périple a commencé.

Vous souhaitez connaître la suite de mon histoire ? Ne manquez pas le prochain épisode « Les voyages d’un conteneur à travers le monde », où je vous raconterai mes traversées océaniques et les surprises qui m’attendaient aux quatre coins de la planète.

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