le 20 novembre 2025

Épisode 4 : Installation d’un container aménagé en hébergement

Ce matin-là, il était tôt lors que j’ai senti une agitation particulière autour de moi. Cela faisait quelques jours que les derniers coups de peinture avaient été réalisés pour apporter la touche finale à mon aménagement.
Je patientais calmement à la périphérie de Boulazac-Isle-Manoire, petit village situé au cœur de la Dordogne. Le lieu était splendide. Quand je regardais autour de moi, je pouvais apercevoir quelques églises, le Château du Lieu-Dieu légèrement en contrebas et de la verdure à perte de vue. On était bien loin du vacarme et de l’activité incessante que j’avais connu dans les différents ports à travers le monde.
Retour à la réalité… une grue est venue me hisser sur un camion plateau, direction Lissac-sur-Couze, en Corrèze, un trajet d’une heure et demie, bien différent des semaines passées en mer lorsque j’étais encore actif.

Le trajet s’est déroulé sans le moindre incident malgré la taille du camion et la traversée de nombreux petits villages. Il faut dire que le chauffeur maitrisait de main de maitre son véhicule et que le trajet avait été étudié en amont du voyage pour éviter toute mauvaise surprise.
Mon installation à Lissac, ou plus exactement sur les coteaux du Lac du Causse, a été bien plus compliquée.
En effet, dès que nous avons quitté la route principale, nous avons emprunté un chemin beaucoup plus étroit. Les arbres se rapprochaient, les branches frôlaient mes flancs. À chaque tournant, j’entendais les voix inquiètes des hommes : « Ça va passer ? », « Attends, recule un peu, on prend par la gauche ! »
Le vent me glaçait, la boue collait aux pneus, la pente semblait sans fin. Et moi, suspendu là, j’espérais ne pas être abimé avant d’avoir vu mon nouveau lieu de résidence. Après de nombreuses manœuvres, nous sommes arrivés sur un espace plus dégagé, à quelques encablures du sommet de la colline.

L’arrivée

Nous avons enfin atteint le sommet. Le terrain était encore brut, à peine aplani, mais prêt à m’accueillir. La grue s’est remise en marche, gigantesque et précise comme une main de géant. On m’a attaché, soulevé, déplacé centimètre par centimètre. Je flottais dans l’air, entre ciel et terre. Le monde entier semblait retenir son souffle. Puis un cri : « Posez-le ! Doucement… oui, là ! »

Mes supports ont touché le sol. Le métal a grincé, puis s’est tu. Pour la première fois, je ne bougeais plus. Je tenais debout, à ma place. Le soleil couchant a frappé ma façade, et j’ai compris : j’étais arrivé.

Première nuit et renaissance

Je venais à peine d’être posé. Mes parois vibraient encore du voyage, ma tôle résonnait du fracas des moteurs, des ordres, des chaînes qui m’avaient hissé jusqu’ici. Autour de moi, le silence. Le vent glissait contre mon métal encore tiède, les herbes sifflaient doucement autour de mes fondations. Je ne reconnaissais rien : plus de port, plus de sel, plus d’écho industriel. Seulement la terre, l’odeur de l’humus, le bruit discret du lac quelque part en contrebas. C’était étrange, pour moi, qui avais résisté aux tempêtes.

Une nuit a passé et puis les premières lueurs du jour sont apparues. Je ne savais pas qu’un jour pouvait naître avec tant de douceur. Pendant des années, mes matins étaient bruyants — sirènes de port, moteurs de navires, cliquetis de chaînes. Mais ici, sur cette colline, l’aube est un murmure. La rosée perle sur l’herbe, et je sens ses gouttes fraîches glisser le long de ma façade. Je ne bouge pas — je savoure.

Moi, le container voyageur, j’apprends la lenteur.

Un oiseau, d’abord seul, se met à chanter. Puis un autre lui répond, plus loin, dans le creux du vallon. En quelques minutes, la vallée s’éveille…Le vent s’engouffre dans mes ouvertures, soulève un rideau, fait danser la lumière sur mon plancher. L’environnement humide d’hier s’est dissipé ; il reste une tiédeur délicate, un parfum de bois neuf. Les premiers rayons frappent ma façade.  La tôle, froide encore, se réchauffe doucement. Je sens le métal se détendre, le bois respirer, les murs craquer légèrement, comme un corps qui s’étire après le sommeil. Je me souviens des matins d’autrefois, les docks gris, les grues, les ordres criés dans le vent.

Ici, personne ne m’appelle, je n’ai rien à transporter, rien à prouver. Et dans cette immobilité nouvelle, je découvre une autre forme de mouvement : celui de la lumière, de l’air, du vivant.

Cette aube-là n’était pas qu’un matin, C’était une renaissance.
Celle d’un lieu et d’une vie nouvelle.

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