le 13 août 2025

Épisode 2 : L’appel du large : Je me souviens encore du jour où mon premier périple a commencé…

  • maritime

Mon acier n’avait encore jamais vu la mer.

Moi, j’étais prêt, impatient et curieux bien qu’un peu anxieux. Je n’étais qu’un conteneur, certes… mais j’étais fait pour bouger.

Mon premier chargement ? De l’électronique grand public : des cartons de tablettes, smartphones, gadgets connectés, bref rien de très exceptionnel en ces temps d’hyper-connectivité.

J’étais plein à craquer de technologie. Une cargaison sensible, stratégique, emballée avec soin.

Je suis resté immobile quelques heures sur le quai, au milieu de mes semblables – des dizaines de conteneurs rouges, bleus, verts, tous empilés en colonnes parfaites.

Puis, dans un vrombissement mécanique, une grue géante m’a saisi à l’aide de son spreader, une pince hydraulique qui est venue s’accrocher à mes quatre coins supérieurs.

Ensuite, j’ai senti que j’étais soulevé verticalement, déplacé au-dessus d’un géant des mers, le Royal Duchess, puis descendu avec précision à mon emplacement.

Pour me fixer solidement, on m’a équipé de verrous tournants, puis on est venu ajouter des barres et câbles pour être certain que je ne pouvais plus bouger.

J’ai compris que mon premier départ était imminent lorsque le navire s’est mis à trembler sous l’effet du lancement des moteurs.

Départ vers l’inconnu

C’était LE moment que j’attendais depuis ma naissance mais une question me taraudait : quelle était ma destination ?

La réponse arriva très vite… J’étais embarqué pour Rotterdam, via Singapour et Suez. Une véritable épopée de 40 jours, entre océans et escales.

Ce fut long. Et calme. Puis chaotique. Le roulis, les embruns, les coups de vent. La mer n’est jamais vraiment la même.

En mon sein, je sentais tout le poids des cartons bien alignés qui s’appuyaient légèrement sur mes parois à chaque vague. Je les protégeais comme un coffre-fort silencieux.

Et puis il y avait les bruits…Le sifflement du vent entre les structures métalliques. Les pas du personnel à bord. Les cris des mouettes

En mer de Chine, j’ai connu ma première tempête. Des rafales si fortes que même les coques les plus aguerries grinçaient. Mais je tenais bon. Bien arrimé, hermétique, fidèle à ma mission : protéger.

Une fois ce coup de tabac passé, j’ai pu apprécier la douceur du coucher de soleil sur le pont qui illuminait les étiquettes collées sur mes parois.

Les jours suivants, j’ai senti le vent marin frapper mes parois alors que nous filions à tout allure avec comme unique repère, de l’eau à perte de vue.

Bien qu’immobile et fixe, je ressentais une forme de liberté absolue…

Soudain, j’ai senti que le rythme du Royal Duchess changeait.

Une escale, des rencontres

C’est là que j’ai vu les premières formes de la côte qui se découpaient à l’horizon. Nous arrivions à Singapour, au croisement de l’océan Indien et de l’océan Pacifique.

Des hommes sont montés à bord et ont rejoint le capitaine dans le poste de commande. Puis, des bateaux à la taille insignifiante comparé à celle du Royal Duchess, se sont répartis tout autour de nous pour aider à manœuvrer le navire vers le quai.

Une fois à quai, les moteurs ont été coupés et les vibrations ont cessés… mais quelques minutes seulement…

A Singapour, j’ai changé de place.

On m’a empilé entre deux conteneurs vides, le temps d’une escale express. Autour de moi, les dockers sifflaient, les grues dansaient, les machines beuglaient.

J’avais l’impression d’être une pièce d’un immense Tetris.

On m’a déchargé et posé sur un châssis roulant pour être transporté vers la zone de stockage du terminal. Certains de mes camarades de traversée étaient directement posés sur des camions qui quittaient immédiatement le port. D’autres, attendaient comme moi, la suite du voyage.

Un technicien m’a frôlé du doigt et a noté mon numéro dans un carnet. Une inspection rapide, une routine.

Retour sur le Royal Duchess… l’occasion de rencontrer mes nouveaux voisins qui allaient m’accompagner pour la suite du voyage.

D’ailleurs, nous étions déjà repartis en mer !

Suez, puis l’Europe

Nous avons traversé le canal de Suez comme dans un rêve. Des berges dorées, une lente procession de navires, des goélands en escorte.

Et enfin, l’eau froide de la Méditerranée, puis la Manche.

A Rotterdam, mes portes se sont ouvertes pour la première fois.

L’air était froid et humide, très différent de celui de la Chine.

Mais dans ce souffle d’Europe du Nord, j’ai senti quelque chose de nouveau : la fierté d’avoir accompli ma première mission.

J’étais heureux mais épuisé de ce voyage de près de 40 jours et j’avais désormais une certitude : je ne sortirai pas indemne des années qui m’attendaient.

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